Voici où nous en étions au début du mois d’avril: la municipalité avait fait produire une étude suggérant qu’un pont coûterait 500 000$ et elle avait arrêté sa décision de ne pas municipaliser le pont. Heureusement que ce projet ne s’est pas réalisé. Nous aurions été contraints à payer cette fortune avec intérêts pendant peut-être 25 ans.
Il y a longtemps, j’avais fait l’exercice mental d’imaginer, en pure spéculation d’un homme ignorant la réalité de ces choses, combien coûterait un nouveau pont et je me disais 60 000$ au maximum. Des voisins me disaient que ce serait simple d’en faire un autre pour une somme dérisoire aux alentours de 15 000$. J’en ai parlé à une ingénieure forestière qui me disait que le demi-million n’avait aucun bon sens et que si tel était le prix pour toutes les traverses de cours d’eau en forêt, les opérations forestières auraient été déficitaires. Nous avons reçu la visite d’un de ses amis, ingénieur forestier à la retraite, ayant fait construire un nombre incalculable de traverses de cours d’eau au cours de sa longue carrière. Sa conclusion était sensiblement dans les mêmes lignes: ça devrait être simple et pas cher – très loin des montants anticipés par la municipalité, montants peut-être appropriés dans un contexte de route provinciale, mais pas dans un contexte de chemin privé avec un petit ruisseau.
Je fis le tour de tous les ponts enjambant le ruisseau du Moulin à Tewkesbury pour voir comment ils sont faits et parler aux personnes qui ont commandé ou réalisé ces ouvrages. Je finis par comprendre de quoi il retournait. C’était simple: pour construire, ça prend des plans et devis signés par un ingénieur et des études environnementales pour obtenir ensuite les certificats d’autorisation de la municipalité et de divers ministères. Un projet bien planifié se construit finalement en un ou deux jours.
Je me rendis compte que ce projet requiert beaucoup de travail, beaucoup plus que je ne l’avais envisagé au départ, et il est impossible de savoir de combien de temps nous disposons avant que la décrépitude du pont le rende impropre aux usages municipaux tels que sécurité incendie, ambulances, et enlèvement des ordures.
Dès le début, j’avais remarqué que le propriétaire s’appelait « personne ». La première case à remplir dans les formulaires de demande de certification est d’identifier le propriétaire. Je voyais donc la nécessité d’en avoir un, en l’occurrence un organisme sans but lucratif (OSBL), et pour ce faire, il fallait entamer un long processus de concertation au sein des propriétaires des lots concernés. J’ai rédigé les textes d’une demande de constitution pour avoir quelque chose pour partir. Je demeurais insatisfait de cette avenue, car un OSBL fraîchement mis sur pied avec un grand nombre de membres d’opinions diverses est une structure inadaptée à la gestion dynamique d’un projet complexe qui doit être réalisé rapidement. C’est une structure adaptée à la phase de l’entretien après la réalisation.
Je n’irai pas dans les détails, mais de fil en aiguille, je découvris que le pont avait eu un propriétaire et j’en ai suivi la série de successions à mesure des décès pour en arriver à acheter deux bouts de chemin et le pont.
Ça fait plusieurs semaines que je travaille presque à temps plein là-dessus. Je ne vous ai pas encore raconté les études approfondies des lois et règlements, du processus à suivre pour la certification, la recherche d’exemples de projets similaires, la mise en place d’accès aux ambulances et à la sécurité incendie pendant que le pont est enlevé, l’étude que j’ai déjà lancée avec un ingénieur, et j’en passe.
Je suis habitué à faire ce genre de travail. Pour moi, c’est comme boire de l’eau. J’ai aussi les ressources financières pour le réaliser sans aller quêter à gauche et à droite. Nous avons tout le temps pour nous entendre sur le partage de la facture.
Voilà où nous en sommes. Je vais bâtir un nouveau pont le plus simple possible, selon les règles de l’art, en respectant toutes les normes applicables. Pendant ce temps, nous pourrons utiliser ce site pour en discuter, pour explorer vos bonnes idées, et pour que je puisse vous informer de tous les développements. Bien sûr, il n’y a pas que ce site. Beaucoup d’entre nous habitent ici ce qui nous donne l’occasion de bavarder sur toutes sortes de sujets. Au plaisir de vous rencontrer.